Motifs de la demande

Informations sur la décision

Contenu de la décision

No DE DOSSIER : SCT-7004-20

RÉFÉRENCE : 2025 TRPC 1

DATE : 20250228

TRADUCTION OFFICIELLE

TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

ENTRE :

 

 

BANDE INDIENNE D’OKANAGAN

Revendicatrice (défenderesse)

 

Kelsey Rose, pour la revendicatrice (défenderesse)

– et –

 

 

SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DU CANADA

Représenté par le ministre des Relations Couronne-Autochtones

Intimé (défendeur)

 

Monina Glowacki, pour l’intimé (défendeur)

– et –

 

 

PREMIÈRE NATION DE WESTBANK

Demanderesse

 

Christopher Devlin, pour la demanderesse

 

 

ENTENDUE : Le 13 février 2025

MOTIFS sur la demande

L’honorable Diane MacDonald


Note : Le présent document pourrait faire l’objet de modifications de forme avant la parution de sa version définitive.

Jurisprudence :

Bande Beardy’s et Okemasis nos 96 et 97 c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2015 TRPC 3; Nation crie de Red Pheasant c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2021 TRPC 3; Première Nation de Doig River et Premières Nations de Blueberry River c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2013 TRPC 7; Première Nation Birch Narrows c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2018 TRPC 8; Kwikwetlem First Nation v British Columbia (AG), 2021 BCCA 311, 461 DLR (4th) 357; ʔaq̓am c Sa Majesté le Roi du chef du Canada, 2024 TRPC 4; Canada (Pêches et Océans) c Bande indienne de Shubenacadie, 2002 CAF 509.

Lois et règlements cités :

Loi sur le Tribunal des revendications particulières, LC 2008, c 22, préambule, art 2, 3, 14, 16, 22, 24.

Loi sur les Indiens, SRC 1952, c 149, art 17.

Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5, art 2.

Loi sur l’autonomie gouvernementale de la première nation de Westbank, LC 2004, c 17.


 

TABLE DES MATIÈRES

I. APERÇU 4

II. RAISON D’ÊTRE ET CADRE DU TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES 5

III. CONTEXTE DE LA REVENDICATION 6

IV. HISTORIQUE DES PROCÉDURES 7

V. QUESTIONS EN LITIGE 8

VI. POSITIONS DES PARTIES 9

VII. PRINCIPES JURIDIQUES 9

VIII. ANALYSE 11

A. Westbank constitue-t-elle une première nation pour l’application de l’article 24 de la LTRP? 11

B. La mesure de réparation sollicitée ou l’objet de la revendication soulève-t-il une question ou un problème commun à Westbank et aux parties à la revendication? 13

C. L’adjonction de Westbank sera-t-elle équitable et appropriée pour la résolution des questions en litige? 16

1. Généralités 16

2. Nécessité 16

3. Retard dans le processus de règlement de la revendication 18

4. Complication indue et arguments contradictoires 18

5. Préjudice 19

6. Dépôt tardif d’une demande 19

7. Conclusion 19

IX. DÉCISION 20


 

I. APERÇU

[1] Le Tribunal des revendications particulières (le Tribunal) est appelé à se prononcer sur la demande d’autorisation qu’a présentée la Première Nation de Westbank (Westbank ou la demanderesse) dans le but de se voir reconnaître la qualité de partie dans la revendication sous-jacente déposée par la bande indienne d’Okanagan (Okanagan ou la revendicatrice) à l’encontre du Canada (la demande). La demande fait suite à un avis envoyé à Westbank, le 9 août 2024, conformément à l’article 22 de la Loi sur le Tribunal des revendications particulières, LC 2008, c 22 [la LTRP] (l’avis prévu à l’article 22).

[2] Dans la revendication sous-jacente, Okanagan fait valoir que le Canada a manqué à la fois à ses obligations légales et à son devoir de fiduciaire en ne respectant pas sa volonté et celle de la bande des lacs Arrow de voir leurs deux nations réunies en 1952. La demande vise à déterminer si Westbank — qui était une entité unique faisant partie de la « bande indienne d’Okanagan » avec Okanagan jusqu’au 18 octobre 1963 — devrait être partie à la revendication. Par souci de commodité, la bande indienne d’Okanagan, telle qu’elle existait avant cette date, sera ci-après désignée « la bande d’Okanagan originelle ». Westbank soutient qu’en tant que successeure de la bande d’Okanagan originelle, elle détient un intérêt direct dans la revendication.

[3] Le terme « Indien » est employé dans les présents motifs par référence à la Loi sur les Indiens, de même qu’à certaines sources historiques. Le fait que j’utilise le terme « Indien », qui est considéré comme péjoratif, ne signifie pas que je le cautionne. Chaque fois qu’il était possible de le faire, j’ai employé les termes « Première Nation » ou « Autochtone ».

[4] Je rappelle qu’en 1952 et 1953, la bande d’Okanagan originelle et la bande des lacs Arrow ont demandé à être fusionnées en vertu de l’alinéa 17(1)a) de la Loi des Indiens, SRC 1952, c 149. Le Canada avait initialement semblé intéressé, mais il n’a pas procédé à la fusion. En fait, après le décès de la dernière membre connue de la bande des lacs Arrow, le Canada a déclaré l’extinction de la bande et a décidé que les terres de réserve de la bande devaient retourner à la province de la Colombie-Britannique.

[5] D’après Okanagan, comme le Canada n’a pas fusionné les deux Premières Nations, il l’a privée de l’usage et du profit de la réserve de la bande des lacs Arrow et des éléments d’actifs de cette bande. Elle réclame une indemnité pour avoir été dépouillée des ressources auxquelles elle aurait eu droit si le Canada s’était acquitté de ses obligations de fiduciaire et avait agi dans l’intérêt des Premières Nations. Westbank, quant à elle, cherche à se voir accorder la qualité de revendicatrice et à avoir pleins droits de participation devant le Tribunal.

[6] La demande a été instruite par vidéoconférence le 13 février 2025. Pour les motifs qui suivent, j’accueille la demande de Westbank visant à se voir reconnaître la qualité de partie à la revendication.

II. RAISON D’ÊTRE ET CADRE DU TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

[7] La principale raison d’être du Tribunal est de statuer sur les revendications particulières et ainsi contribuer au rapprochement entre les Premières Nations et la Couronne. Son rôle consiste à faciliter le règlement des revendications particulières de façon équitable, rapide et définitive (préambule et article 3 de la LTRP).

[8] L’intention était de faire en sorte que les Premières Nations aient accès à un tribunal qui ne refuserait pas leurs revendications en raison du temps écoulé. Le législateur a donc créé le Tribunal afin de régler les revendications découlant du fait que la Couronne a omis de s’acquitter de ses obligations légales envers les Premières Nations, là où il est interdit de soulever des moyens de défense fondés sur l’écoulement du temps (Bande Beardy’s et Okemasis nos 96 et 97 c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2015 TRPC 3 aux para. 403–06). Ainsi, il est possible de régler certains torts historiques de manière équitable, tant pour les Premières Nations revendicatrices que pour la Couronne.

[9] Aux termes de l’article 16 de la LTRP, avant de pouvoir déposer une revendication auprès du Tribunal, une première nation doit d’abord la déposer auprès du ministre des Relations Couronne-Autochtones. La LTRP privilégie la négociation de bonne foi plutôt que l’exercice de recours devant les tribunaux comme moyen pour parvenir à la réconciliation entre la Couronne et les Premières Nations revendicatrices. Si la négociation est infructueuse ou si le ministre n’entame aucune négociation dans les délais prescrits, la Première Nation peut déposer sa revendication auprès du Tribunal. La LTRP a été rédigée de manière à favoriser la négociation comme mode de règlement des différends. Ce n’est que si le processus de négociation échoue que l’affaire peut être portée devant le Tribunal (Nation crie de Red Pheasant c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2021 TRPC 3 au para. 27).

[10] La LTRP prévoit deux méthodes par lesquelles une première nation peut devenir partie. La première consiste à saisir le Tribunal d’une revendication en vertu des articles 14 à 16. La seconde consiste à invoquer l’article 24 après avoir reçu du Tribunal l’avis prévu à l’article 22 (Première Nation de Doig River c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2013 TRPC 7 [Doig River] au para. 7). Une première nation qui se voit reconnaître la qualité de partie en vertu de l’article 24 de la LTRP échappe à la négociation du règlement des revendications particulières, qui est un important objectif politique. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles le critère pour se voir reconnaître la qualité de partie, énoncé ci-après, est si rigoureux.

[11] L’article 2 de la LTRP définit une « revendication particulière » comme étant une revendication déposée au titre de l’article 14. Les revendications énumérées au paragraphe 14(1) de la LTRP incluent celles fondées sur les violations d’obligations légales de la Couronne concernant les terres de réserve et l’administration d’autres éléments d’actifs des Premières Nations.

III. CONTEXTE DE LA REVENDICATION

[12] La bande des lacs Arrow a été créée en 1902. Les récits contenus dans le dossier historique se contredisent quant à la composition initiale de la bande des lacs Arrow. En 1902, 243,10 acres de terres situées sur la rive ouest du lac Arrow inférieur, près de la localité de Burton, ont été mises de côté pour la bande des lacs Arrow. Ce que je retiens de la preuve par affidavit et des témoignages, c’est que la bande des lacs Arrow était composée de membres issus de divers groupes autochtones.

[13] La réserve des lacs Arrow se trouvait sur une terre bordée de falaises abruptes de sorte qu’il était quasi impossible d’y accéder par la route. Au début des années 1950, le Canada a déterminé qu’Annie Joseph était la dernière membre de la bande des lacs Arrow, ce qui n’a pas été contesté à l’époque. Tant la bande d’Okanagan originelle (en 1952) qu’Annie Joseph (en 1953) ont demandé la fusion des deux bandes.

[14] Après le décès d’Annie Joseph le 1er octobre 1953, le Canada n’a pas fusionné les deux Premières Nations; il a plutôt déclaré, le 28 septembre 1955, l’« extinction » de la bande des lacs Arrow, et il a décrété, le 5 janvier 1956, au moyen du décret 1036/1938, que les terres de réserve devaient retourner à la province de la Colombie-Britannique. Le Canada a donc transféré le contrôle, la gestion et l’administration des terres constituant la réserve de la bande des lacs Arrow à la province de la Colombie-Britannique.

[15] C’est sur l’omission de fusionner les deux Premières Nations et le retour des terres de réserves à la province que porte la revendication d’Okanagan. Cette dernière affirme que le Canada n’a pas respecté la volonté qu’elle et la bande des lacs Arrow avaient de se voir réunies. Elle prétend que le Canada n’a pas agi avec diligence lorsqu’il a examiné et traité les demandes de fusion et qu’il a ainsi manqué à ses obligations légales et à son devoir de fiduciaire. Par conséquent, elle a été privée de l’usage et du profit de la réserve de la bande des lacs Arrow et des éléments d’actif de cette bande. Elle demande à être indemnisée pour cette perte.

[16] Le Canada conteste le bien-fondé de la revendication d’Okanagan et nie avoir manqué aux obligations alléguées.

IV. HISTORIQUE DES PROCÉDURES

[17] Le 30 décembre 2020, Okanagan a déposé sa déclaration de revendication auprès du Tribunal. Le 14 avril 2021, le Canada a déposé sa réponse à la déclaration de revendication auprès du Tribunal. La déclaration de revendication amendée et la réponse amendée ont été déposées respectivement le 1er juin et le 4 juillet 2023.

[18] Entre 2021 et 2024, le Tribunal a tenu plusieurs conférences de gestion d’instance lors desquelles il a déterminé que la revendication pouvait avoir des répercussions sur les intérêts de divers groupes. Conformément à l’article 22 de la LTRP, il a donc avisé la province de la Colombie-Britannique, Westbank, la bande indienne de Lower Similkameen, la bande indienne de Penticton, la bande d’Upper Nicola, la bande indienne d’Upper Similkameen, la nation Sinixt, la Nation Ktunaxa et la Première Nation Tk’emlúps te Secwépemc.

[19] Le 22 février 2022, le Tribunal a envoyé à Westbank un avis prévu à l’article 22 ainsi que des informations sur le processus d’adjonction en qualité de partie ou d’intervenant à une revendication. Dans une lettre datée du 22 juillet 2024, l’avocat de Westbank a informé le Tribunal que celle-ci venait de prendre connaissance de l’avis qui lui avait été transmis deux ans plus tôt parce qu’elle avait connu des problèmes de personnel au sein de son gouvernement et de son administration. L’avocat de Westbank a demandé au Tribunal soit d’envoyer un nouvel avis en vertu de l’article 22, soit de prolonger le délai de réponse à l’avis original. Le 9 août 2024, le Tribunal a envoyé un nouvel avis à Westbank.

[20] Le 8 octobre 2024, Westbank a déposé la présente demande auprès du Tribunal. Elle y avance que toute décision portant sur la revendication peut avoir des répercussions sur ses intérêts, et elle demande à se voir reconnaître la qualité de partie ou, subsidiairement, d’intervenante à la revendication. Toutefois, dans un mémoire conjoint de conférence de gestion d’instance daté du 17 octobre 2024, Westbank a confirmé que, conformément à l’article 24 de la LTRP, elle cherchait uniquement à se voir reconnaître la qualité de partie à la revendication.

[21] Westbank a préparé une version préliminaire de la déclaration de revendication qu’elle entend présenter au Tribunal si elle se voit reconnaître la qualité de partie. À l’audition de sa demande, Westbank a souligné que si sa demande est accueillie, elle harmoniserait autant que possible sa déclaration avec la déclaration de revendication amendée présentée par Okanagan le 1er juin 2023.

[22] L’interprétation de l’article 24 doit être compatible avec l’économie générale et l’objectif global de la LTRP, qui vise à faciliter le règlement de revendications particulières de façon équitable, rapide et définitive. Le Tribunal est habilité à adjoindre une première nation comme revendicatrice, même si celle-ci n’a pas saisi le Tribunal d’une revendication et ne répond pas aux exigences de l’article 16 de la LTRP (Première Nation de Birch Narrows c. Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2018 TRPC 8 [Birch Narrows] au para. 10 ).

V. QUESTIONS EN LITIGE

[23] Okanagan, Westbank et le Canada ont convenu que le Tribunal doit se prononcer en l’espèce sur les questions suivantes :

  • Westbank constitue-t-elle une première nation pour l’application de l’article 24 de la LTRP?

  • La mesure de réparation sollicitée ou l’objet de la revendication soulève-t-il une question ou un problème commun à Westbank et aux parties à la revendication?

  • Serait‑il juste et approprié de reconnaître à Westbank la qualité de partie à la présente revendication?

VI. POSITIONS DES PARTIES

[24] Westbank soutient qu’elle constitue une première nation au sens des articles 2 et 24 de la LTRP, ajoutant qu’elle doit se voir reconnaître la qualité de partie afin que soit tranchée la question du bien-fondé et que soit reconnu son droit à une indemnité dans le cadre de la présente revendication. Westbank ajoute que, s’il lui accordait la qualité de partie, le Tribunal pourrait trancher efficacement toutes les questions en litige sans retard ni complications, et sans dépenses liées à des poursuites et procès distincts. Westbank ne cherche pas à perturber les procédures et fondera sa revendication sur les mêmes faits historiques que la revendicatrice.

[25] Okanagan ne prend pas position au sujet de la demande. Elle a des préoccupations quant à l’incidence du droit à une indemnité, mais ne voit aucun inconvénient à soulever cette question à une date ultérieure.

[26] Le Canada souhaite parvenir à un règlement juste, significatif et rapide de la revendication. Par conséquent, il consent à ce que Westbank soit ajoutée comme partie, pourvu qu’un échéancier raisonnable soit établi pour le dépôt de la déclaration de revendication de cette dernière et pour le dépôt de sa réponse à la déclaration de revendication. Le Canada accepte également que les questions d’indemnisation soient traitées à une date ultérieure dans le cadre de la présente revendication scindée en deux étapes.

[27] À l’audition de sa demande, Westbank a précisé qu’elle était prête à ce que sa revendication soit scindée en deux étapes, si sa demande était accueillie.

VII. PRINCIPES JURIDIQUES

[28] Les demandes par lesquelles les premières nations cherchent à obtenir la qualité de partie sont régies par l’article 24 de la LTRP, qui est ainsi libellé :

Qualité de partie : première nation

24 Si elle lui en fait la demande, le Tribunal peut, s’il le juge indiqué, accorder à toute première nation avisée au titre du paragraphe 22(1) la qualité de partie.

[29] L’article 24 doit être interprété au sens large pour permettre l’adjonction d’une revendicatrice ou d’un intimé à une revendication existante « dans des circonstances où il est raisonnable et approprié de le faire » (Doig River au para. 7).

[30] Au paragraphe 9 de la décision Birch Narrows, le juge Grist a utilement résumé les principes juridiques applicables lorsqu’une première nation demande à se voir reconnaître la qualité de partie dans une revendication dont le Tribunal est saisi :

La question de l’adjonction de parties à une revendication dont est saisi le Tribunal a été examinée de façon approfondie dans la décision Première nation de Doig River et Premières Nations de Blueberry River c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2013 TRPC 7 [Doig River], qui portait sur une demande visant à obtenir la qualité de partie présentée par les Premières Nations de Blueberry River. Le juge Smith a conclu que l’article 24 devait recevoir une interprétation large et fondée sur l’objet, et a autorisé l’adjonction. Aux paragraphes 26-28, le juge Smith a énoncé en ces termes le critère applicable à l’adjonction d’une partie :

Si l’adjonction d’une partie causait [traduction] « un retard excessif ou une complication ou portait préjudice à une partie », alors une procédure distincte pourrait demeurer appropriée. Dans Ipsos S.A. c Reid, le juge Wedge a appliqué une analyse en deux étapes :

a) Y a-t-il une question ou un problème entre les parties, qui a trait au redressement, au recours ou à l’objet de la revendication?

b) L’adjonction des défendeurs proposés sera-t-elle équitable et appropriée pour la résolution des questions en litige?

L’adjonction d’une partie est laissée à la discrétion d’une cour et d’un tribunal et exige un dosage de tous les facteurs pertinents. Le juge Lambert dans Tri-Line Expressways c Ansari a souligné qu’un seul facteur n’est pas déterminant.

Le fait qu’un demandeur ait tardé à se faire connaître, ou ne dispose même pas d’une cause d’action distincte en raison d’une prescription, n’exclut pas la possibilité de le joindre comme partie. Cela est particulièrement vrai lorsqu’aucun préjudice n’est causé au défendeur et que celui-ci a été pleinement informé. Le pouvoir discrétionnaire d’adjoindre une partie doit être exercé d’une manière qui sert véritablement les intérêts de la justice dans toutes les circonstances. [Notes de bas de page omises.]

[31] En résumé, le critère applicable à l’adjonction d’une partie à une revendication dont est saisi le Tribunal a été formulé dans les décisions Doig River et Birch Narrows. Tout d’abord, la demanderesse doit être une province ou une première nation. Si cette condition est remplie, le critère suivant s’applique :

  • Y a-t-il une question ou un problème entre la partie proposée et les parties, qui a trait au redressement, au recours ou à l’objet de la revendication?

  • L’adjonction de la partie proposée sera-t-elle équitable et appropriée pour la résolution des questions en litige?

[32] J’examinerai successivement chacune de ces questions.

VIII. ANALYSE

A. Westbank constitue-t-elle une première nation pour l’application de l’article 24 de la LTRP?

[33] L’article 24 de la LTRP confère au Tribunal le pouvoir discrétionnaire d’accorder à une « première nation » qui a reçu un avis en vertu du paragraphe 22(1) de la LTRP la qualité de revendicatrice dans une revendication existante (Doig River au para. 11; Kwikwetlem First Nation v British Columbia (AG), 2021 BCCA 311 au para. 39, 461 DLR (4th) 357). Un tel avis a été envoyé à Westbank le 9 août 2024.

[34] Aux termes de l’article 24 de la LTRP, seule une première nation peut se voir reconnaître la qualité de partie. Le Tribunal peut accorder la qualité de partie à une première nation s’il considère que sa participation à l’instance est indiquée.

[35] L’article 2 de la LTRP définit une « première nation » de la manière suivante :

première nation

a) Bande au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens;

b) groupe de personnes qui, bien qu’il ne soit plus une bande visée à l’alinéa a), a maintenu, en vertu d’un accord sur des revendications territoriales, son droit de présenter une revendication particulière;

c) groupe de personnes qui, bien qu’il ne soit plus une bande visée à l’alinéa a) en raison d’une loi ou d’un accord figurant à l’annexe, n’a pas abandonné son droit de présenter une revendication particulière.

[36] Cette définition est claire et ne laisse place à aucune ambiguïté : elle prévoit qu’une première nation est une « bande » ou, dans certaines circonstances bien définies, une ancienne « bande ».

[37] Le paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5, définit « bande » et « Indien » de la façon suivante :

[...] bande Groupe d’Indiens, selon le cas :

a) à l’usage et au profit communs desquels des terres appartenant à Sa Majesté ont été mises de côté avant ou après le 4 septembre 1951;

b) à l’usage et au profit communs desquels, Sa Majesté détient des sommes d’argent;

c) que le gouverneur en conseil a déclaré être une bande pour l’application de la présente loi.

[...]

Indien Personne qui, conformément à la présente loi, est inscrite à titre d’Indien ou a droit de l’être; [...]

[38] Pour des raisons qui n’intéressent pas la présente affaire, au début des années 1960, un comité avait été mis sur pied pour enclencher le processus visant à diviser la bande d’Okanagan originelle en deux. Le 18 octobre 1963, ce processus a donné lieu à la création des bandes de Westbank et d’Okanagan. Dans une lettre datée du 24 octobre 1963, le directeur par intérim de l’agence d’Okanagan a écrit au chef et aux membres du conseil indien d’Okanagan que [traduction] « [l]e ministre, conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 17 de la Loi sur les Indiens, a ordonné que le groupe d’Indiens de Westbank soit constitué en bande distincte à compter du 18 octobre 1963 » (italiques dans l’original; affidavit de Jeniffer Bellingham au para. 15). Chacune constituait donc une « bande » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5.

[39] Dans une lettre datée du 17 mars 1964, un agent d’administration principal du Canada a confirmé, en joignant une note de service datée du 13 mars 1964, que Westbank était une « bande » distincte approuvée par le ministre le 18 octobre 1963, conformément aux dispositions du paragraphe 17(1) de la Loi sur les Indiens (affidavit de Jeniffer Bellingham au para. 18).

[40] Depuis le 6 mai 2004, Westbank est une première nation autonome et indépendante, régie par un accord sur l’autonomie gouvernementale (Loi sur l’autonomie gouvernementale de la première nation de Westbank, LC 2004, c 17). Westbank est donc maintenant une première nation au sens de l’alinéa 2c) de la LTRP. Il est important de souligner que la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la première nation de Westbank est mentionnée dans l’annexe de la LTRP, de sorte que la Première Nation n’a pas abandonné son droit de présenter une revendication particulière.

[41] Comme Westbank est une première nation au sens de l’article 24 de la LTRP qui a reçu un avis prévu à l’article 22, j’ai le pouvoir discrétionnaire de lui accorder la qualité de revendicatrice en l’espèce (Doig River au para. 27). Reste à savoir si je devrais lui accorder.

B. La mesure de réparation sollicitée ou l’objet de la revendication soulève-t-il une question ou un problème commun à Westbank et aux parties à la revendication?

[42] Le Tribunal a examiné en détail la question de l’adjonction d’une partie à une revendication dans la décision Doig River. La question ou le problème que le demandeur souhaite soulever doit se rapporter à la mesure de réparation sollicitée ou à l’objet de la revendication. Il ne suffit pas qu’une partie dispose d’éléments de preuve pertinents à l’égard des questions en litige, qu’elle ait un intérêt à ce que soit trouvée une solution à quelque question en litige ou qu’elle ait préparé des arguments pertinents (Doig River au para. 25). En fait, le Tribunal a conclu que pour l’application de l’article 24 de la LTRP, une « partie essentielle et appropriée » est « celle qui doit être adjointe afin que la question soit réglée d’une manière efficace et complète » (Doig River au para. 23).

[43] En ce qui concerne la question de savoir si le demandeur est une « partie essentielle et appropriée », j’estime que la revendication d’Okanagan et celle de Westbank reposent essentiellement sur les mêmes faits et que les deux bandes demandent à être indemnisées du fait que le Canada n’a pas fusionné la bande d’Okanagan originelle et la bande des lacs Arrow au début des années 1950. La revendication particulière déposée par Okanagan découle d’événements qui se sont produits avant que la bande d’Okanagan originelle et Westbank ne deviennent deux entités distinctes. Partant, Okanagan et Westbank ont des revendications pratiquement identiques qui remontent aux années 1950, alors qu’elles faisaient toutes deux partie de la bande d’Okanagan originelle.

[44] Comme l’a démontré Westbank, l’objet de sa revendication soulève des questions ou des problèmes communs à elle et aux parties à la revendication. Westbank a indiqué, par l’intermédiaire de l’affidavit de Jeniffer Bellingham, directrice des affaires intergouvernementales, du titre et des droits de la Première Nation de Westbank, qu’elle déposerait une déclaration de revendication semblable à celle déposée par Okanagan si elle était ajoutée comme revendicatrice. Une ébauche de cette déclaration est jointe à l’affidavit à titre de Pièce « N ». Dans les observations orales qu’il a présentées au Tribunal le 13 février 2025, l’avocat de Westbank a mis en parallèle les principaux points soulevés dans la revendication d’Okanagan et ceux exposés dans l’ébauche de Westbank :

  • Okanagan allègue que le 6 novembre 1952, le conseil de bande a adopté une résolution par laquelle il consentait à ce que sa bande fusionne avec celle des lacs Arrow. Si elle se voit reconnaître la qualité de revendicatrice, Westbank fera valoir que c’est le conseil de bande d’Okanagan originelle qui a adopté cette résolution, par laquelle il consentait à la fusion de la bande d’Okanagan originelle avec celle des lacs Arrow.

  • Okanagan allègue que le 17 avril 1953, la seule membre survivante de la bande des lacs Arrow a signé une déclaration par laquelle elle consentait à la fusion de sa bande avec la [traduction] « bande indienne d’Okanagan ». Si elle se voit reconnaître la qualité de revendicatrice, Westbank fera valoir que, par cette déclaration, la bande des lacs Arrow a consenti à la fusion avec la bande d’Okanagan originelle. Elle fera également valoir qu’elle faisait partie de la bande d’Okanagan originelle et qu’elle a donc qualité pour agir dans le cadre de la revendication.

  • Okanagan allègue que le Canada avait des obligations légales à son égard. Si elle se voit reconnaître la qualité de revendicatrice, Westbank fera valoir que le Canada avait plutôt des obligations légales envers la bande d’Okanagan originelle.

  • Okanagan allègue que le Canada a manqué aux obligations légales qu’il avait à son égard. Si elle se voit reconnaître la qualité de revendicatrice, Westbank fera valoir que le Canada a plutôt manqué aux obligations légales qu’il avait envers la bande d’Okanagan originelle.

  • Okanagan allègue que le fait que le Canada ait manqué à ses obligations légales l’a privée de l’usage et du profit de la réserve de la bande des lacs Arrow et des fonds d’immobilisations se trouvant dans le compte de la bande des lacs Arrow. Si elle se voit reconnaître la qualité de revendicatrice, Westbank fera valoir que le Canada a manqué aux obligations légales qu’il avait envers la bande d’Okanagan originelle et ses successeurs légitimes, à savoir Westbank et Okanagan.

[45] L’avocat de Westbank a fait remarquer dans ses observations orales que Westbank avait accidentellement utilisé la déclaration de revendication déposée par Okanagan le 30 décembre 2020 au lieu de la déclaration de revendication amendée déposée le 1er juin 2023. Westbank modifiera donc sa déclaration de revendication pour qu’elle s’harmonise davantage avec la déclaration de revendication amendée présentée par Okanagan.

[46] À l’instar d’Okanagan, si elle est ajoutée comme partie, Westbank demandera au Tribunal de rendre un jugement déclarant qu’elle a été privée de la valeur, ainsi que de l’usage et du profit de la réserve de la bande des lacs Arrow du fait que le Canada a manqué aux obligations qu’il avait à son égard puisqu’elle est l’une des deux successeures de la bande d’Okanagan originelle (l’autre successeure étant Okanagan). De plus, dans sa déclaration de revendication amendée, Okanagan réclame des dommages-intérêts et une indemnisation en equity. Si elle se voit reconnaître la qualité de revendicatrice, Westbank réclamera des dommages-intérêts et une indemnisation en equity, dont le montant sera divisé entre elle et Okanagan.

[47] Dans les décisions Doig River et Birch Narrows, la Première Nation qui voulait se voir reconnaître la qualité de partie avait appartenu à la même bande que la revendicatrice initiale. Dans Doig River, la bande de Fort St. John Beaver était la bande antérieure à la fois de la Première Nation de Doig River (la revendicatrice initiale) et des Premières Nations de Blueberry River (celles qui demandaient à se voir reconnaître la qualité de parties). Dans Birch Narrows, la bande de Clear Lake était la bande antérieure à la fois de la Première Nation de Birch Narrows (la revendicatrice initiale) et de la Nation dénée de Buffalo River (celle qui demandait à se voir reconnaître la qualité de partie). Dans les deux cas, la revendication de la demanderesse était semblable, voire identique, à celle de la revendicatrice, et dans les deux cas, la demanderesse s’est vu reconnaître la qualité de partie (Doig River, aux para. 5, 15, 41; Birch Narrows, aux para. 4, 6, 15, 18).

[48] Tout comme dans les affaires Doig River et Birch Narrows, les revendications qu’Okanagan et Westbank ont présentées au Tribunal sont pratiquement identiques. La raison en est que les revendications remontent aux années 1950, lorsque Westbank faisait partie de la bande d’Okanagan originelle, avant qu’elles ne deviennent des entités distinctes dans les années 1960. Les revendications sont essentiellement les mêmes et émanent de la même trame factuelle. Comme elle est l’une des deux successeures de la bande d’Okanagan originelle, Westbank est une revendicatrice essentielle et appropriée en l’espèce.

[49] Je reconnais que les revendications respectives d’Okanagan et de Westbank reposent sur les mêmes faits et qu’elles visent toutes deux à obtenir une indemnisation en lien avec le projet de fusion. J’estime que Westbank a satisfait à cette partie du critère à deux volets.

C. L’adjonction de Westbank sera-t-elle équitable et appropriée pour la résolution des questions en litige?

1. Généralités

[50] Selon les facteurs pertinents énoncés dans les décisions du Tribunal, Westbank remplit les conditions requises pour se voir reconnaître la qualité de partie. Ces facteurs sont les suivants :

  1. à savoir si l’adjonction de la partie proposée à titre de revendicatrice est nécessaire pour « donner lieu à un règlement définitif et complet » dans le cadre de la revendication (Doig River au para. 35);

  2. à savoir si l’adjonction de la partie proposée retardera le règlement définitif de la revendication (ʔaq̓am c Sa Majesté le Roi du chef du Canada, 2024 TRPC 4 au para. 71);

  3. à savoir si l’adjonction de la partie proposée causera une complication indue (Doig River au para. 26);

  4. à savoir si la partie proposée risque de présenter des arguments contradictoires à ceux de la revendicatrice initiale (Birch Narrows au para. 15);

  5. à savoir si l’adjonction de la partie proposée portera préjudice à une partie (Doig River au para. 26);

  6. à savoir si la partie proposée a tardé à se faire connaître (Doig River au para. 28).

2. Nécessité

[51] Je suis d’accord avec Westbank pour dire que son adjonction à titre de revendicatrice est nécessaire à l’étape portant sur le bien-fondé de la revendication. La présente affaire se compare à celle de Doig River, où la Première Nation de Doig River et les Premières Nations de Blueberry River étaient les successeures de la bande de Fort St. John Beaver puisque celle-ci a été divisée en deux en 1977.

[52] De même, en tant que successeure de la bande d’Okanagan originelle, Westbank doit participer à la revendication pour être liée par l’issue de celle-ci. Comme il est indiqué au paragraphe 8 de l’arrêt Canada (Pêches et Océans) c Bande indienne de Shubenacadie, 2002 CAF 509, il est nécessaire que la personne ou l’entité ait qualité de partie pour être liée par l’issue de l’action :

[traduction]
Qu’est-ce qui fait qu’une personne est une partie nécessaire? Ce n’est pas, bien sûr, uniquement le fait qu’elle a des éléments de preuve pertinents à apporter à l’égard de certaines des questions en litige; elle ne serait alors qu’un témoin nécessaire. Ce n’est pas uniquement le fait qu’elle a un intérêt à ce que soit trouvée une solution adéquate à quelque question en litige, qu’elle a préparé des arguments pertinents et qu’elle craint que les parties actuelles ne les présentent pas adéquatement. [...] La seule raison qui puisse rendre nécessaire la constitution d’une personne comme partie à une action est la volonté que cette personne soit liée par l’issue de l’action; la question à trancher doit donc être une question en litige qui ne peut être tranchée adéquatement et complètement sans que cette personne ne soit une partie [citant Amon c Raphael Tuck & Sons Ltd, [1956] 1 QB 357 à la p. 380].

[53] Le fait que Westbank puisse contribuer à l’étape du bien-fondé vient renforcer l’idée selon laquelle il est nécessaire d’adjoindre Westbank à titre de revendicatrice. Elle a une histoire orale importante à partager, ainsi que des transcriptions de membres décédés. Comme l’a déclaré Jeniffer Bellingham dans son affidavit :

[traduction]
En examinant les documents archivés de Westbank, j’ai trouvé des transcriptions datées de juillet et août 1990 d’entretiens réalisés avec des membres de Westbank et d’autres aînés, qui racontaient ce qu’ils savaient des racines familiales de Westbank aux lacs Arrow. Ces entretiens ont été menés par Michelle Joe, une membre de Westbank qui est actuellement la directrice, Langue et Culture/Patrimoine de Westbank. Vous trouverez ci-joint, en pièce « E », les transcriptions des entretiens menés avec Mary Eli, Delphine Derrickson, Jeannette Armstrong et Louise Gabriel, datées de juillet et août 1990.

Le 6 novembre 2024, j’ai participé à un rassemblement réunissant environ vingt-six membres de Westbank. Durant ce rassemblement, j’ai entendu — et je les crois — des membres raconter leurs histoires de famille liées aux lacs Arrow, notamment en ce qui concerne Annie Joseph, et parler du fait qu’ils ont vécu dans la réserve des lacs Arrow avant d’en avoir été chassés. Certains de ces membres ont parlé de cassettes datant des années 1970 qui auraient besoin d’être numérisées et transcrites, car elles renferment des entretiens avec des anciens aujourd’hui décédés qui parlaient d’Annie Joseph. Westbank produira les entretiens de ces membres si elle est adjointe comme revendicatrice. [aux para. 12–13]

[54] Cette preuve, qui sera produite à l’audience si Westbank se voit reconnaître la qualité de partie, contribuera de manière concrète et utile à l’instance. L’avocat de Westbank a indiqué que cinq témoins étaient prêts à venir relater l’histoire orale à l’audience provisoirement prévue pour juin 2025 (qui est maintenant provisoirement fixée en mai 2025).

3. Retard dans le processus de règlement de la revendication

[55] Il n’y a pas lieu de craindre que Westbank retarde de manière importante le règlement final de la revendication. Westbank consent à ce que la revendication soit scindée, de même que sa propre revendication, et déclare qu’elle respectera le calendrier déjà proposé par les parties et accepté par le Tribunal. Certes, il faudra plus de temps, notamment pour entendre les témoins, contre-interroger les témoins du Canada et examiner les observations supplémentaires, mais Westbank collaborera avec les parties pour faire avancer la procédure. Elle s’est d’ailleurs montrée coopérative jusqu’à présent. Westbank contribuera au règlement définitif et complet de la revendication du fait qu’elle relatera en détail ce qui s’est passé dans les années 1950 après le décès d’Annie Joseph.

4. Complication indue et arguments contradictoires

[56] Il n’y a pas non plus lieu de craindre que l’adjonction de Westbank ne complique indûment la revendication. Il y a peu de chances que Westbank, à titre de revendicatrice, présente des arguments contradictoires à ceux d’Okanagan en plaçant ses propres intérêts au-dessus de ceux dont le Tribunal doit tenir compte pour régler la revendication. Tout comme dans les affaires Doig River et Birch Narrows, les faits à l’origine de la revendication de Westbank sont identiques à ceux à l’origine de la revendication d’Okanagan. Par conséquent, l’adjonction de Westbank à titre de partie permettra d’éviter la multiplicité des procédures.

[57] À mon avis, Westbank peut apporter une perspective utile sur les questions soulevées par Okanagan. Si Westbank est reconnue comme partie, elle sera liée par la décision sur le bien-fondé. De plus, si la revendicatrice obtient gain de cause à l’étape du bien-fondé, la preuve produite par Westbank aidera le Tribunal à décider de la façon de répartir les sommes accordées à titre d’indemnisation.

5. Préjudice

[58] Le Canada ne subit aucun préjudice du fait que Westbank soit adjointe à titre de partie à cette étape-ci de l’instance. Au contraire, il fait valoir que l’adjonction de Westbank permettra de rendre une décision éclairée concernant la revendication. Si Westbank ne se voit pas reconnaître la qualité de partie, le Canada pourrait subir un préjudice puisqu’il pourrait devoir répondre à une autre revendication fondée sur les mêmes faits et les mêmes questions. Régler la revendication avec toutes les entités intéressées, de façon définitive et complète, est la façon la plus efficace et la plus rentable de procéder.

6. Dépôt tardif d’une demande

[59] S’il est vrai que Westbank a tardé à faire valoir son intérêt dans la revendication, elle s’en est justifiée auprès du Tribunal, qui a accepté son explication lorsqu’il a envoyé le deuxième avis prévu à l’article 22. Comme l’a déclaré le juge Grist dans la décision Doig River : « Le fait qu’un demandeur ait tardé à se faire connaître, ou ne dispose même pas d’une cause d’action distincte en raison d’une prescription, n’exclut pas la possibilité de le joindre comme partie. Cela est particulièrement vrai lorsqu’aucun préjudice n’est causé au défendeur et que celui-ci a été pleinement informé » (notes de bas de page omises; au para. 28).

[60] Le pouvoir discrétionnaire d’adjoindre une partie doit être exercé d’une manière qui sert véritablement les intérêts de la justice dans toutes les circonstances. Non seulement Westbank a expliqué pourquoi elle avait tardé à déposer sa demande, mais depuis le 9 août 2024, elle n’a accusé aucun retard, a participé à toutes les conférences de gestion d’instance et s’est pleinement conformée aux besoins des parties en matière de procédure.

7. Conclusion

[61] La demande de Westbank s’apparente à celles qui ont été présentées dans les affaires Doig River et Birch Narrows. Okanagan et Westbank ne formaient qu’une seule Première Nation au moment des faits à l’origine de la présente revendication. Tel qu’il est indiqué dans Doig River, le statut de revendicatrice « est le seul statut qui permettrait de trancher définitivement et efficacement toutes les questions en litige sans retard et complications, et sans dépenses liées à des procédures distinctes » (au para. 9). L’adjonction de Westbank en tant que partie simplifiera le règlement de la revendication dont je suis saisie. Plus important encore, elle servira les intérêts de la justice et l’objectif général de la LTRP.

IX. DÉCISION

[62] La demande de Westbank visant à se voir reconnaître la qualité de partie à la revendication est accueillie. Westbank doit déposer sa déclaration de revendication au plus tard le 6 mars 2025. L’intimé doit déposer sa réponse à la déclaration de revendication de Westbank au plus tard le 13 mars 2025.

[63] Les parties et la demanderesse assumeront leurs propres dépens.

DIANE MACDONALD

L’honorable Diane MacDonald

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

Date : 20250228

Dossier : SCT-7004-20

OTTAWA (ONTARIO), le 28 février 2025

En présence de l’honorable Diane MacDonald

ENTRE :

BANDE INDIENNE D’OKANAGAN

Revendicatrice (défenderesse)

et

SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DU CANADA

Représenté par le ministre des Relations Couronne-Autochtones

Intimé (défendeur)

et

PREMIÈRE NATION DE WESTBANK

Demanderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

À :

Avocate de la revendicatrice (défenderesse) BANDE INDIENNE D’OKANAGAN

Représentée par Kelsey Rose

JFK Law LLP

ET À :

Avocate de l’intimé (défendeur)

Représenté par Monina Glowacki

Ministère de la Justice

ET À :

Avocat de la demanderesse PREMIÈRE NATION DE WESTBANK

Représentée par Christopher Devlin

Sequoia Legal LLP

 

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