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No DE DOSSIER : SCT-3001-22

RÉFÉRENCE : 2025 TRPC 2

DATE : 20250502

TRADUCTION OFFICIELLE

TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

ENTRE :

 

 

PREMIÈRE NATION DE SAGAMOK ANISHNAWBEK

Revendicatrice (défenderesse)

 

Me Christopher Albinati et Me Laura Sharp, pour la revendicatrice (défenderesse)

– et –

 

 

SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DU CANADA

Représenté par le ministre des Relations Couronne-Autochtones

Intimé (demandeur)

 

Me Daniel Luxat, Me Elizabeth Chan et Me Claudia Tsang, pour l’intimé (demandeur)

 

 

ENTENDUE : Le 27 mars 2025

MOTIFS SUR LA DEMANDE

L’honorable Victoria Chiappetta, présidente

Note : Le présent document pourrait faire l’objet de modifications de forme avant la parution de sa version définitive.

Jurisprudence :

Nowegijick c La Reine, [1983] 1 RCS 29; Williams Lake Indian Band c Canada (Affaires autochtones et du Développement du Nord), 2018 CSC 4, [2018] 1 RCS 83; Nation Crie d’Onion Lake et al c Sa Majesté le Roi du chef du Canada, 2024 TRPC 6.

Lois et règles citées :

Loi sur le Tribunal des revendications particulières, LC 2008, c 22, art 2, 14, 20.

Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict, c 3, réimprimée dans LRC 1985, ann II, no 5, art 91, 92, 109.

Règles de procédure du Tribunal des revendications particulières, DORS/2011-119.

TABLE DES MATIÈRES

I. APERÇU 4

II. ANALYSE 5

A. Modifications proposées 5

B. La demande est prématurée 7

C. Nature de la demande 10

III. CONCLUSION 11


 

I. APERÇU

[1] L’intimé, Sa Majesté le Roi du chef du Canada (le Canada), a présenté une demande d’autorisation pour pouvoir modifier sa réponse à la déclaration de revendication. La revendicatrice, la Première Nation de Sagamok Anishnawbek (Sagamok), soutient dans sa déclaration de revendication que, dans la mise en œuvre du Traité Robinson-Huron (1850), la Couronne a manqué à l’obligation de fiduciaire qui lui incombait d’inclure dans les terres réservées une parcelle de terre de 10 milles carrés connue sous le nom de « parcelle La Cloche ». Le Canada a signifié et déposé sa réponse à la déclaration de revendication le 24 mars 2023. Dans sa réponse, le Canada affirme que la Couronne n’était pas tenue, à titre de fiduciaire, d’inclure dans les terres réservées à la revendicatrice la parcelle La Cloche, si bien qu’elle n’a manqué à aucune obligation à cet égard.

[2] Les parties conviennent que, étant donné que la revendication vise la période préconfédérative, si le préjudice allégué a été causé, il l’a été par la Couronne impériale. Les modifications que le Canada souhaite apporter à sa réponse ont trait à l’obligation d’indemnisation à laquelle la Couronne fédérale pourrait être tenue à l’égard du préjudice qui aurait été causé par la Couronne impériale.

[3] Par une ordonnance rendue le 13 juin 2023, la revendication a été scindée en deux étapes distinctes. La première étape vise à statuer sur le bien-fondé de la revendication. La deuxième étape, qui vise à déterminer le montant de l’indemnité à verser, n’aura lieu que si la revendication est jugée fondée.

[4] Il est toujours préférable de mener le processus de réconciliation de façon à ce que les peuples autochtones et le Canada collaborent pour régler les injustices du passé, dans un esprit de consensus. Il vaut mieux ne pas avoir recours à des procédures judiciaires, quelle que soit l’instance, car les parties deviennent alors adversaires et les procédures sont longues et coûteuses. Les différends devraient être portés en justice en dernier recours, soit uniquement s’il est nécessaire qu’ils soient tranchés par une tierce partie.

[5] Je juge, pour les motifs exposés ci-après, qu’il est prématuré de statuer sur la demande présentée par le Canada à l’heure actuelle, avant que le bien-fondé de la revendication ait été établi. Dans le contexte de la réconciliation, il serait plutôt préférable de trancher les questions soulevées dans la demande d’autorisation à l’étape de l’indemnisation de la revendication, si cette étape s’avérait nécessaire. Cette façon de faire concorderait également avec l’ordonnance ayant pour effet de scinder l’instance et permettrait une utilisation judicieuse du temps et des ressources des parties. Comme il sera expliqué ci-après, il est possible que le Tribunal rende une décision sur le bien-fondé de la revendication qui ait pour effet de rendre inutile la demande d’autorisation et de rendre théorique le litige.

[6] C’est pourquoi il convient de surseoir à rendre une décision sur la demande d’autorisation et de le faire plutôt, au besoin, lorsqu’il aura été statué sur le bien-fondé de la revendication.

II. ANALYSE

A. Modifications proposées

[7] Les modifications que l’intimé propose d’apporter figurent dans l’ébauche de réponse modifiée, aux paragraphes 11 et 53 à 57. Elles ont trait au fait que la revendication remonte à la période préconfédérative et au rôle de la province de l’Ontario. Le paragraphe 11 présente de façon générale l’argument avancé :

[traduction]
10.11. De plus, comme il est expliqué plus en détail ci-après, l’obligation ou la responsabilité en découlant, selon ce qu’a allégué Sagamok, n’était pas imputée au Canada au sens du paragraphe 14(2) de la Loi sur le Tribunal des revendications particulières. Cette obligation, ou toute responsabilité en découlant, si tant est qu’il y en ait une, était imputée à la province de l’Ontario. [Souligné dans l’original; ébauche de réponse modifiée (Annexe A de la demande d’autorisation)]

[8] Pour situer les positions des parties dans leur contexte, je reproduis ci-dessous les dispositions législatives applicables à la demande d’autorisation.

[9] Le paragraphe 14(2) de la Loi sur le Tribunal des revendications particulières, LC 2008, c 22 [la LTRP] est libellé comme suit :

Période préconfédérative – obligation

(2) Pour l’application des alinéas (1)a) à c) à l’égard d’une obligation légale qui devait être exécutée sur un territoire situé à l’intérieur des limites actuelles du Canada avant l’entrée de ce territoire au sein du Canada, la mention de Sa Majesté vaut également mention du souverain de la Grande-Bretagne et de ses colonies, dans la mesure où cette obligation, ou toute responsabilité en découlant, a été imputée à Sa Majesté, ou aurait été imputée à celle-ci n’eût été les règles ou théories qui ont eu pour effet de limiter un recours ou de prescrire des droits contre elle en raison de l’écoulement du temps ou d’un retard.

[10] Selon l’intimé, étant donné que la parcelle La Cloche a été cédée à la Couronne impériale en vertu du Traité Robinson-Huron, l’article 109 de la Loi constitutionnelle de 1867 (R-U), 30 & 31 Vict, c 3, réimprimée dans LRC 1985, ann II, no 5 [Loi constitutionnelle de 1867] a eu pour effet de transférer le contrôle de la parcelle à la province de l’Ontario (ébauche de réponse modifiée (Annexe A de la demande d’autorisation), au para. 53). L’article 109 est libellé ainsi :

Propriété des terres, mines, etc.

109 Toutes les terres, mines, minéraux et réserves royales appartenant aux différentes provinces du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick lors de l’union, et toutes les sommes d’argent alors dues ou payables pour ces terres, mines, minéraux et réserves royales, appartiendront aux différentes provinces d’Ontario, Québec, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, dans lesquelles ils sont sis et situés, ou exigibles, restant toujours soumis aux charges dont ils sont grevés, ainsi qu’à tous intérêts autres que ceux que peut y avoir la province.

[11] Si la parcelle La Cloche avait été cédée à la Couronne impériale pendant la période préconfédérative et transférée à la province de l’Ontario, alors elle tomberait sous le coup du paragraphe 92(5) de la Loi constitutionnelle de 1867, formulé de la façon suivante :

Sujets soumis au contrôle exclusif de la législation provinciale

92 Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :

[...]

5. L’administration et la vente des terres publiques appartenant à la province, et des bois et forêts qui s’y trouvent.

[12] La revendicatrice soutient que le Traité Robinson-Huron a eu pour effet de réserver la parcelle La Cloche à l’usage de la Première Nation de Sagamok Anishnawbek, si bien que la parcelle relève de la responsabilité du gouvernement fédéral en application du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, rédigé en ces termes :

Autorité législative du parlement du Canada

Il sera loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces; mais, pour plus de garantie, sans toutefois restreindre la généralité des termes ci-haut employés dans le présent article, il est par la présente déclaré que (nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi) l’autorité législative exclusive du parlement du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :

[...]

24. Les Indiens et les terres réservées pour les Indiens.

[13] L’intimé propose de modifier sa réponse pour faire valoir, sur le fondement du paragraphe 14(2) de la LTRP, que, étant donné que la parcelle La Cloche ne faisait pas partie de la réserve de Sagamok selon les modalités du Traité conclu en 1850, en application de l’article 109, le contrôle en a été transféré à la province de l’Ontario en 1867, au moment de l’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1867. Ainsi, toute [traduction] « obligation, ou toute responsabilité en découlant, si tant est qu’il y en ait une, était imputée à la province de l’Ontario » dès 1867. L’intimé va plus loin et avance que, étant donné que la revendicatrice a [traduction] « présenté une revendication dans le cadre du processus de négociation des revendications territoriales de l’Ontario et que celle-ci a accepté de négocier le règlement de la revendication de Sagamok », il en découle que l’Ontario a « reconnu et accepté » sa responsabilité (ébauche de réponse modifiée (Annexe A de la demande d’autorisation), aux para. 54‑55).

[14] Les modifications proposées ont trait à la responsabilité de la Couronne fédérale en matière d’indemnisation, soit une question qui sera tranchée à l’étape de l’indemnisation. L’intimé souhaite en outre modifier sa réponse afin de faire valoir que, tant que l’issue des négociations entre la revendicatrice et la province de l’Ontario n’est pas connue, il est impossible de statuer sur la nature de la revendication de Sagamok. Par exemple, si la province de l’Ontario lui restitue la terre, Sagamok pourrait présenter une demande d’indemnisation pour perte d’usage de la terre pour la période au cours de laquelle elle n’a pas pu l’utiliser; si, au contraire, la province de l’Ontario ne lui restitue pas la terre, Sagamok pourrait présenter une demande pour défaut de lui restituer la terre et perte d’usage. Par ailleurs, quelle que soit la nature de la revendication qui sera présentée contre le Canada, si la province de l’Ontario est jugée responsable ou en partie responsable, alors la Couronne du chef du Canada ne devra accorder une indemnité à sa charge que dans la mesure où les pertes lui sont attribuables, et non davantage, au titre de l’alinéa 20(1)i) de la LTRP. Ainsi, les modifications proposées concernent également l’étape de l’indemnisation.

B. La demande est prématurée

[15] Comme il a été mentionné précédemment, le Tribunal a rendu une ordonnance ayant pour effet de scinder l’instance en deux étapes. Tout d’abord, le Tribunal doit établir si la revendication est fondée. Ce n’est que si le bien-fondé de la revendication est établi que le Tribunal se prononcera ensuite sur l’obligation d’indemnisation que pourrait avoir la Couronne du chef du Canada.

[16] Le bien-fondé de la revendication dépend grandement de la question de savoir si le Traité Robinson-Huron a eu pour effet de confier la propriété de la parcelle La Cloche à la revendicatrice. Celle-ci soutient que le libellé du Traité portant sur la propriété de la parcelle La Cloche est [traduction] « vague » et ambigu. Dans l’arrêt Nowegijick c La Reine, [1983] 1 RCS 29, à la page 36, la Cour suprême du Canada a statué que « les traités et les lois visant les Indiens doivent recevoir une interprétation libérale et [...] toute ambiguïté doit profiter aux Indiens ». Sagamok se fonde sur ce principe pour affirmer que l’ambiguïté inhérente au texte doit être interprétée en sa faveur et qu’il devrait donc être conclu que la parcelle La Cloche faisait partie intégrante de la réserve de Sagamok telle qu’elle a été constituée en 1850.

[17] L’intimé fait valoir que le Traité indique clairement que la limite est de la réserve correspond à la limite ouest du poste de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson, ce qui signifie que, en 1850, la parcelle La Cloche se situait à l’extérieur et à l’est de la réserve de Sagamok décrite dans le Traité.

[18] La question de savoir si la parcelle La Cloche faisait partie de la réserve de Sagamok en 1850 sera tranchée dans la décision sur le bien-fondé. À mon avis, il se pourrait que, une fois cette décision rendue, la demande d’autorisation ne soit plus nécessaire.

[19] Si une décision est rendue en faveur de la revendicatrice, c’est-à-dire s’il est conclu que la parcelle La Cloche faisait partie de la réserve de Sagamok en 1850, il y aurait des motifs valables de croire que cette parcelle faisait toujours partie de la réserve au moment de la Confédération en 1867. Dans ce cas, étant donné que la parcelle La Cloche serait considérée comme une « terr[e] réservé[e] pour les Indiens » aux termes du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, la propriété de cette terre et la compétence sur celle-ci auraient été dévolues au Canada au moment de la Confédération, à l’instar des responsabilités et des obligations connexes. La revendicatrice tient pour acquis que la décision sur le bien-fondé lui sera favorable et soutient, dans sa réponse à la demande d’autorisation, qu’il s’agit là de la manière dont doit s’appliquer le paragraphe 14(2) de la LTRP à la revendication. Elle soutient que c’est en raison de la violation du Traité par la Couronne impériale elle-même que l’article 109 de la Loi constitutionnelle de 1867 s’applique à la parcelle La Cloche.

[20] De la même façon, si le Tribunal tranche en faveur de l’intimé à l’étape du bien-fondé de la revendication, c’est-à-dire s’il conclut que la parcelle La Cloche ne faisait pas partie de la réserve de Sagamok en 1850, il en découlerait que, au moment de la Confédération en 1867, en vertu de l’article 109 de la Loi constitutionnelle de 1867, la propriété de la parcelle La Cloche et la compétence sur celle-ci auraient été dévolues à la province de l’Ontario nouvellement créée, à l’instar des responsabilités et des obligations connexes. L’intimé tient pour acquis que la décision sur le bien-fondé lui sera favorable et soutient que, étant donné que la responsabilité relative à la parcelle La Cloche était imputée à la Couronne du chef de l’Ontario au moment de la Confédération, alors la Couronne du chef du Canada ne saurait être tenue responsable de tout préjudice causé, suivant la LTRP. La Couronne renvoie au terme anglais « Crown » (Couronne, traduit dans la LTRP par « Sa Majesté »), lequel est défini comme étant « Her Majesty in right of Canada » (Sa Majesté du chef du Canada) à l’article 2 de la LTRP. Elle renvoie en outre au paragraphe 14(2) de la LTRP, qui définit les circonstances dans lesquelles la Couronne du chef du Canada doit se voir imputer toute obligation légale qui devait être exécutée par la Couronne impériale ou le souverain de la Grande‑Bretagne pendant la période préconfédérative. L’intimé soutient que, étant donné que la parcelle La Cloche ne faisait pas partie de la réserve en 1850 (une question qui sera tranchée à l’étape du bien-fondé de la revendication), elle a été dévolue légalement et de plein droit à la province de l’Ontario en 1867, et toute responsabilité ou obligation légale à cet égard n’a donc jamais « été imputée » à la Couronne du chef du Canada, au sens de la LTRP.

[21] Ainsi, en ce qui a trait à la demande d’autorisation, les parties tiennent pour acquis un fait qui n’a pas encore été établi et se fondent sur celui-ci pour défendre leur position respective. Ce fait est au cœur de la question que devra trancher le Tribunal à l’étape du bien-fondé de la revendication. Une fois cette question tranchée, il est possible que les questions soulevées dans la demande d’autorisation soient résolues, étant donné que, dans leurs arguments respectifs, les parties présument toutes deux qu’elles auront gain de cause à l’étape du bien-fondé. Selon toute vraisemblance, la décision du Tribunal sur le bien-fondé de la revendication aura pour effet de rendre le litige théorique.

[22] En outre, le fait de surseoir à statuer sur la demande d’autorisation jusqu’à l’étape de l’indemnisation, si cette étape s’avère nécessaire, permet de préserver l’intégrité de l’ordonnance de scission. Comme l’a affirmé la Cour suprême du Canada au paragraphe 23 de l’arrêt Williams Lake Indian Band c Canada (Affaires autochtones et du Développement du Nord), 2018 CSC 4, où est cité le paragraphe 197 de la décision Bande Lac La Ronge c Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2014 TRPC 8, « [c]e cloisonnement vise à supprimer les délais et les frais associés à l’étape de l’indemnisation lorsque celle-ci n’est plus nécessaire ». Étant donné les motifs invoqués et la nature de la revendication, les parties ont convenu qu’il était approprié de scinder l’instance. Les modifications proposées par l’intimé n’ont trait qu’à la responsabilité qu’il pourrait avoir en matière d’indemnisation et sont fondées sur une conclusion qui n’a pas encore été tirée. C’est d’ailleurs là tout l’enjeu de l’étape du bien-fondé de la revendication. Ainsi, les conclusions qui seront tirées à l’étape du bien-fondé pourraient être déterminantes pour la demande d’autorisation. Le fait de surseoir à statuer sur la demande d’autorisation jusqu’à l’étape de l’indemnisation, si celle-ci s’avérait nécessaire, permet, d’une part, d’éviter les frais et les délais associés à un contrôle judiciaire de la décision relative à la demande d’autorisation, si une des parties le demandait, et, d’autre part, si la demande d’autorisation était accueillie, d’éviter les frais et les délais qu’entraînerait pour la revendicatrice le fait de devoir répondre aux modifications faites par l’intimé en modifiant ses actes de procédure et de tenir une deuxième audience consacrée à la preuve par histoire orale.

C. Nature de la demande

[23] Puisque j’estime que la demande d’autorisation est prématurée, je n’ai pas à me prononcer sur les nombreux points litigieux qui y sont relevés à cette étape-ci de l’instance, notamment l’application que fait chacune des parties du critère pour obtenir l’autorisation de modifier un acte de procédure (l’autorisation devrait être accordée, sauf si a) il est évident et manifeste que les modifications proposées ne permettront pas à la partie d’avoir gain de cause; b) les modifications proposées causeront à la revendicatrice un préjudice non indemnisable - Nation crie d’Onion Lake et al c Sa Majesté le Roi du chef du Canada, 2024 TRPC 6 aux para. 22‑24) ainsi que l’interprétation différente que font les parties de l’analyse de la Cour suprême du Canada énoncée dans l’arrêt Williams Lake visant à déterminer si une violation commise par le souverain de la Grande‑Bretagne à la période préconfédérative « a été imputée » à la Couronne du chef du Canada au titre du paragraphe 14(2) de la LTRP.

[24] Il me semble toutefois indiqué de me prononcer sur l’un des points litigieux soulevés dans la demande d’autorisation. L’intimé soutient que le paragraphe 14(2) de la LTRP doit être expressément invoqué par la revendicatrice. Il importe de répondre à cet argument à cette étape-ci, car l’intimé l’a soulevé dans le contexte de la compétence du Tribunal.

[25] L’intimé affirme que, si la revendicatrice veut que sa revendication datant de la période préconfédérative relève de la compétence du Tribunal, elle doit démontrer en quoi sa revendication correspond à l’exception énoncée au paragraphe 14(2) de la LTRP. J’estime que cet argument n’est pas fondé. Le fond et la forme des actes de procédure présentés au Tribunal sont régis par les Règles de procédure du Tribunal des revendications particulières, DORS/2011-119 (les Règles). Dans les Règles, rien n’indique qu’il faille invoquer expressément le paragraphe 14(2).

[26] Comme il a déjà été mentionné, l’interprétation et l’application du paragraphe 14(2) de la LTRP ont été examinées en profondeur dans l’arrêt Williams Lake. Dans cette affaire, le Tribunal a d’abord statué sur la revendication. La déclaration de revendication ne faisait pas expressément mention du paragraphe 14(2). La décision du Tribunal a été confirmée par la Cour suprême du Canada.

[27] Par ailleurs, une lecture de la revendication dans son ensemble permet de conclure que la revendicatrice a fait valoir les faits nécessaires pour montrer en quoi le paragraphe 14(2) de la LTRP s’applique, selon elle, et pour établir la façon dont elle entend l’invoquer. L’intimé dispose de toutes les précisions nécessaires pour comprendre la preuve à réfuter et y répondre en conséquence.

III. CONCLUSION

[28] Pour les motifs exposés ci-dessus, il convient de surseoir à statuer sur la demande en l’espèce jusqu’à l’étape de l’indemnisation, si cette étape s’avère nécessaire.

VICTORIA CHIAPPETTA

L’honorable Victoria Chiappetta, présidente

Traduction certifiée conforme

Maya de Lorimier


TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

Date : 20250502

No de dossier : SCT-3001-22

OTTAWA (ONTARIO), le 2 mai 2025

En présence de l’honorable Victoria Chiappetta

ENTRE :

PREMIÈRE NATION DE SAGAMOK ANISHNAWBEK

Revendicatrice (défenderesse)

et

SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DU CANADA

Représenté par le ministre des Relations Couronne-Autochtones

Intimé (demandeur)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

AUX :

Avocats de la revendicatrice (défenderesse) PREMIÈRE NATION DE SAGAMOK ANISHNAWBEK

Représentée par Me Christopher Albinati et Me Laura Sharp

Nahwegahbow, Corbiere

Avocats

ET AUX :

Avocats de l’intimé (demandeur)

Représenté par Me Daniel Luxat, Me Elizabeth Chan et Me Claudia Tsang

Ministère de la Justice

 

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