No DE DOSSIER : SCT-2001-19
RÉFÉRENCE : 2025 TRPC 3
DATE : 20250520
TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES
SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL
ENTRE : |
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PREMIÈRE NATION DES PEKUAKAMIULNUATSH Revendicatrice (défenderesse) |
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Me Benoît Amyot et Me Léonie Boutin, pour la revendicatrice (défenderesse) |
– et – |
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SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DU CANADA Représentée par le ministre des Relations Couronne-Autochtones Intimé (défendeur) |
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Me Mélyne Félix, Me Kateri Vincent et Me Marie-Emmanuelle Laplante, pour l’intimé (défendeur) |
– et – |
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COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA Demanderesse |
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Me Emil Vidrascu et Me Alexandre-Philippe Avard, pour la demanderesse |
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INSTRUITE à l’aide d’observations écrites |
MOTIFS sur la demande
L’honorable Danie Roy
Note : Le présent document pourrait faire l’objet de modifications de forme avant la parution de sa version définitive.
Jurisprudence :
Bande indienne de Siska c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2018 TRPC 2; Carter v Canada (AG), 2012 BCCA 502; Bande indienne Metlakatla c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2018 TRPC 4; Ahousaht Indian Band v Canada (AG), 2012 BCCA 330, [2012] CNLR 24; Bande indienne Okanagan c Sa Majesté le Roi du chef du Canada, 2024 TRPC 2; Bande indienne de Cook’s Ferry c Sa Majesté le Roi du chef du Canada, 2023 TRPC 2.
Lois et règlements cités :
Loi sur le Tribunal des revendications particulières, LC 2008, c 22, art 3, 20, 21, 22, 25.
Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, r 221.
TABLE DES MATIÈRES
II. POSITION DE LA DEMANDERESSE
A. Position de la revendicatrice
IV. APPROCHE DU TRIBUNAL EN MATIÈRE D’INTERVENTION
I. INTRODUCTION
[1] Le Tribunal des revendications particulières (le Tribunal) est appelé à se prononcer sur une demande d’autorisation et avis de demande (la demande) qu’a présentée la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN ou la demanderesse) dans le but de se voir reconnaître la qualité d’intervenante dans la revendication sous-jacente déposée par la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh (la revendicatrice). La demande fait suite à un avis délivré au CN le 4 février 2025, conformément à l’article 22 de la Loi sur le Tribunal des revendications particulières, LC 2008, c 22 [LTRP].
[2] En l’espèce, la revendicatrice allègue plusieurs manquements aux obligations légales et de fiduciaires de la Couronne en lien avec l’aliénation de terres de réserve aux fins de la construction et de l’exploitation du chemin de fer de la James Bay and Eastern Railway Company. La Couronne admet avoir manqué à ses obligations légales relativement au rachat de terres par la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh en 1968, mais nie toutes les autres allégations formulées par la revendicatrice. Le CN, en sa qualité de successeur des droits de la James Bay and Eastern Railway Company, sollicite son intervention principalement afin de faire valoir que le Tribunal n’a pas compétence pour définir ses droits fonciers, ainsi que pour se prononcer sur la manière dont ses droits fonciers ont été qualifiés par l’intimé dans le cadre de la présente revendication.
II. POSITION DE LA DEMANDERESSE
[3] La demanderesse sollicite l’autorisation d’intervenir afin de présenter deux arguments connexes. Premièrement, elle soutient que la Couronne, dans sa réponse réamendée à la déclaration de revendication réamendée, tente de « réécrire l’histoire »
en qualifiant les droits fonciers de CN dans la réserve comme une « emprise ferroviaire »
plutôt que comme les « pleins droits fonciers »
que la demanderesse affirme avoir acquis sur le territoire (demande aux para. 6–7). Deuxièmement, la demanderesse fait valoir que le Tribunal n’a pas compétence pour déterminer la « validité et la portée »
des droits fonciers d’un tiers dans le contexte d’une revendication particulière (demande au para. 13).
[4] Le CN soutient également que « l’architecture générale du
Railway Act
de 1906 supposait que les compagnies ferroviaires soient pleinement propriétaires de l’emprise de leur chemin de fer et aient un contrôle exclusif sur cette emprise »
, puisque l’expropriation de terres privées à des fins ferroviaires en vertu de la Loi « supposait normalement l’obtention d’un plein titre de propriété »
(demande au para. 29).
[5] Selon la demanderesse, la seule limite à ce plein titre réside dans la restriction à l’aliénation contenue dans la Railway Act, en vertu de laquelle la terre « doit être retournée à la Couronne à la fin de l’usage ferroviaire et ce, pour le bénéfice de la Première nation des Pekuakamiulnuatsh »
(note omise; demande au para. 33). Cette situation crée des droits fonciers que le CN qualifie « [d’analogues] à une cession absolue »
, bien que « temporaire »
et « conditionnelle »
(demande au para. 34).
[6] En ce qui concerne la question de la compétence du Tribunal, le CN soutient que la LTRP « préserve les droits fonciers des tiers »
, car selon l’article 21, lorsqu’une indemnité est accordée en raison d’une disposition illégale, la « situation à l’origine de la revendication particulière est régularisée et que le
statu quo
est préservé »
(demande au para. 15). L’article 21 de la LTRP se lit comme suit :
Disposition illégale
21 (1) Si une indemnité est accordée sous le régime de la présente loi en raison de la disposition illégale de tous les droits et intérêts du revendicateur sur des terres, sans que ces droits et intérêts lui aient jamais été restitués, tous ces droits et intérêts sont abandonnés, sans préjudice de son droit de poursuivre une province non partie à l’instance pour le même motif.
Disposition illégale
(2) Si une indemnité est accordée sous le régime de la présente loi en raison de la disposition illégale d’une partie des droits ou intérêts du revendicateur sur des terres de réserve, les personnes qui, si la disposition avait été légale, auraient eu cette partie des droits ou intérêts sont réputées l’avoir eue.
[7] La demanderesse fait valoir en outre que, pour statuer sur le bien-fondé d’une revendication ou pour accorder une indemnisation, le Tribunal n’est pas tenu de déterminer « la nature et de l’étendue des droits accordés aux tiers »
puisque l’indemnisation pécuniaire accordée par le Tribunal repose sur la valeur des terres nues, et non sur les droits ou intérêts particuliers ayant existé sur les terres en question (demande au para. 17). Le CN fait référence à l’affaire Bande indienne de Siska c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2018 TRPC 2 [Siska], qui portait également sur des terres prises d’une réserve à des fins ferroviaires. Dans cette affaire, le juge Slade a souligné qu’il « n’est pas nécessaire de chercher à savoir quelle forme de tenure, le cas échéant, a été légalement transférée au [Chemin de fer Canadien Pacifique] »
, puisque la nature de la tenure détenue par la compagnie ferroviaire n’était pas en litige –
seule la prise de décision de la Couronne l’était (Siska aux para. 150–51).
[8] En définitive, sur la base à la fois de la LTRP et de la jurisprudence du Tribunal, le CN conclut que, pour statuer sur la revendication, le Tribunal « n’a pas à – et ne peut pas – s’immiscer dans les relations contractuelles entre la Couronne et les tiers »
ni « déterminer de façon définitive »
la nature et la portée des droits fonciers d’un tiers (demande au para. 22). Selon la demanderesse, une telle démarche « risquerait d’élargir significativement la portée des procédures … au détriment des objectifs de réconciliation et de règlement »
(demande au para. 25).
III. POSITIONS DES PARTIES
A. Position de la revendicatrice
[9] La revendicatrice soutient que la demande d’intervention devrait être rejetée, au motif que le CN ne possède aucun intérêt direct dans la présente revendication.
[10] Elle fait valoir que la présente revendication porte sur un litige entre une Première Nation et la Couronne, et que les droits fonciers de CN –
quels qu’ils soient –
ne sont pas appelés à être déterminés en l’espèce (observations écrites de la revendicatrice au para. 16). La Première Nation des Pekuakamiulnuatsh ajoute même qu’il « n’est pas dans la mission du Tribunal des revendications particulières de régler les litiges entre la Couronne et les tiers, mais bien d’indemniser les Premières Nations des fautes ayant été commises à leur endroit par la Couronne »
(observations écrites de la revendicatrice au para. 19).
[11] Selon elle, la question au cœur de cette revendication diffère de manière significative de celle qui préoccupe le CN. À cet égard, elle soutient que le Tribunal constituerait un « véhicule inapproprié »
pour « régler le litige »
entre le CN et la Couronne quant à la nature des droits fonciers détenus par le CN (observations écrites de la revendicatrice au para. 20). Si le CN estime nécessaire d’obtenir des précisions à ce sujet, il lui appartient d’« entamer des démarches devant le tribunal approprié, pour régulariser le statut des terres de manière cohérente avec sa position actuelle »
(observations écrites de la revendicatrice au para. 20).
[12] La revendicatrice semble partager l’avis de CN selon lequel le Tribunal ne détient pas compétence pour trancher la question des droits fonciers de CN, en soulignant que « la décision du Tribunal n’aura pas d’incidence directe sur les droits de la [demanderesse] »
(observations écrites de la revendicatrice au para. 21).
[13] Elle ajoute qu’autoriser l’intervention causerait un préjudice à la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh, notamment en « [imposant] une nouvelle question au débat, laquelle est suffisamment déjà complexe »
(observations écrites de la revendicatrice au para. 27). Ce préjudice serait aggravé par le fait que l’examen de cette nouvelle question entraînera des coûts additionnels liés aux procédures en cours qui « s’avèrent déjà amplement [coûteuses] en raison de la complexité et de la nature historique du litige »
.
[14] Enfin, si la demande devait malgré tout être accordée, la revendicatrice demande à ce que la participation de CN soit limitée, en particulier lors de l’audience sur l’histoire orale. Elle s’oppose à ce que le CN contre-interroge les témoins aînés, faisant valoir que « la nature et de l’étendue des droits fonciers octroyés par l’Intimé à la [demanderesse] est une question de droit qui ne relève pas des témoignages »
présentés lors de l’audience (observations écrites de la revendicatrice au para. 34). Elle souligne également que le CN n’a pas participé à l’élaboration du protocole régissant le témoignage des aînés ni accepté d’être lié par celui-ci et exprime des préoccupations quant au fait que la participation de CN au contre-interrogatoire pourrait dissuader certains témoins de se présenter ou compromettre leur volonté de témoigner (observations écrites de la revendicatrice aux para. 35–36).
B. Position de l’intimé
[15] L’intimé soutient que le CN détient un intérêt direct dans la présente revendication et indique qu’il ne « [s’]oppose pas »
à la demande d’intervention (observations écrites de l’intimé au para. 2). Toutefois, il demande que cette participation soit soumise à certaines conditions.
[16] Selon l’intimé, la participation de CN est pertinente, car dans le cadre de l’examen du bien-fondé de cette revendication, le Tribunal sera « appelé à se prononcer sur la nature des droits conférés à la [James Bay and Eastern Railway Company] en 1911 dans les terres de la réserve de Mashteuiatsh »
(observations écrites de l’intimé au para. 32). Compte tenu de l’inévitabilité pour le Tribunal de déterminer la nature des droits de CN, la participation de la demanderesse apporterait un « éclairage complémentaire »
utile pour « permett[re] ainsi au Tribunal de trancher cette question »
(observations écrites de l’intimé au para. 5).
[17] Bien que l’intimé ne s’oppose pas à la demande, il propose que la participation de CN soit encadrée par certaines conditions afin qu’elle « [aide le Tribunal] à statuer sur la revendication, sans la compromettre »
(observations écrites de l’intimé au para. 43). À cette fin, il demande que le CN soit limité à la soumission de « représentations écrites »
brèves et strictement axées sur la question de ses droits fonciers (observations écrites de l’intimé au sous-para. 56a). Il sollicite également une ordonnance obligeant le CN à obtenir une autorisation s’il souhaite produire une preuve ou contre-interroger les témoins de l’intimé (observations écrites de l’intimé au para. 56). Quant aux témoins de la revendicatrice, y compris les aînés appelés à témoigner lors de l’audience sur l’histoire orale, l’intimé s’en remet à la discrétion du Tribunal (observations écrites de l’intimé au para. 49).
[18] Enfin, l’intimé a demandé la radiation de certaines allégations formulées contre la Couronne dans la demande de CN, lesquelles seraient, selon lui, « vexatoires et non fondées »
, conformément aux alinéas 221(1)b) et c) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Ces alinéas prévoient ce qui suit :
Requête en radiation
221 (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :
…
b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;
c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire…
[19] L’intimé vise notamment les paragraphes 6, 7, 8, 9, 36 et 40 de la demande, et indique être prêt à soumettre une demande formelle au Tribunal à cet effet.
IV. APPROCHE DU TRIBUNAL EN MATIÈRE D’INTERVENTION
[20] Conformément à l’article 25 de la LTRP, le Tribunal peut autoriser une intervention lorsqu’un demandeur prouve qu’il remplit les conditions prévues par cet article :
Qualité d’intervenant
25 (1) Toute personne ou première nation avisée au titre du paragraphe 22(1) peut, avec l’autorisation du Tribunal, intervenir dans les procédures se déroulant devant celui-ci afin de présenter toutes observations la concernant à l’égard de ces procédures.
Facteurs à prendre en compte
(2) Pour accorder la qualité d’intervenant, le Tribunal prend en compte les facteurs qu’il estimé indiqués, notamment les frais ou délais supplémentaires qui pourraient en découler.
[21] Le Tribunal adopte une approche judiciaire traditionnelle en matière d’intervention. Devant un tribunal judiciaire, l’intervention est généralement permise dans deux cas : lorsqu’une personne qui se propose d’intervenir démontre un intérêt direct dans le litige, ou lorsqu’un litige soulève une question de droit public engageant légitimement les intérêts de la personne qui se propose d’intervenir, et que sa participation permet d’apporter un éclairage utile à la résolution des questions en litige (Carter v Canada (AG), 2012 BCCA 502 aux paras. 12–13 [Carter]). En l’espèce, ni les parties ni la demanderesse ne soutiennent que le présent litige soulève une question de droit public.
[22] Le Tribunal a eu recours à diverses approches pour statuer sur les demandes d’intervention; toutefois, ces approches ont principalement porté sur l’interprétation à donner à la notion « d’intérêt direct »
. Dans tous les cas, le Tribunal a adopté une interprétation restrictive de cette notion.
[23] À titre d’exemple, dans l’affaire Bande indienne Metlakatla c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2018 TRPC 4, le Tribunal s’est appuyé sur les arrêts Carter et Ahousaht Indian Band v Canada (AG), 2012 BCCA 330, [2012] CNLR 24 [Ahousaht], lesquels adoptent une approche plutôt restrictive de l’intérêt direct. Dans l’affaire Carter, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a précisé que l’intervenant doit démontrer que [traduction] « l’issue de l’appel aura des répercussions directes sur ses droits ou lui imposera une obligation juridique supplémentaire en ayant un effet préjudiciable direct »
(au para. 12). Dans l’affaire Ahousaht, la même cour a adopté une approche encore plus restrictive, affirmant que la personne qui se propose d’intervenir devait démontrer que la décision [traduction] « déterminera directement ses droits ou ses responsabilités »
(je souligne; au para. 3). La cour a en outre précisé que le fait qu’une décision ait [traduction] « une incidence »
sur la situation juridique de la personne qui se propose d’intervenir [traduction] « ne constitue pas un intérêt direct »
.
[24] De même, dans l’affaire Bande indienne Okanagan c Sa Majesté le Roi du chef du Canada, 2024 TRPC 2, la juge MacDonald a affirmé que, pour qu’une intervention fondée sur l’intérêt direct soit recevable, le Tribunal « doit être convaincu que les questions factuelles ou juridiques en litige auront une incidence réelle sur l’intervenant »
(au para. 78). Dans l’affaire Bande indienne de Cook’s Ferry c Sa Majesté le Roi du chef du Canada, 2023 TRPC 2, le Tribunal –
tout comme les tribunaux judiciaires –
exige généralement que « les questions que soulève la personne qui se propose d’intervenir doivent être étroitement associées à celles dont le décideur est déjà saisi »
(au para. 39).
V. ANALYSE
[25] Le mandat du Tribunal est de « statuer sur le bien-fondé des revendications particulières des premières nations et sur les indemnités afférentes »
(LTRP, article 3). Le Tribunal n’est pas habilité à trancher des litiges en matière de droits fonciers entre une société et le gouvernement du Canada.
[26] La présente revendication porte sur des droits fonciers que la revendicatrice, la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh, allègue avoir été retirés par la Couronne, et sur la question de savoir si cette dépossession constitue une violation des obligations juridiques et de fiduciaires de la Couronne envers la revendicatrice. La nature des droits fonciers qui ont par la suite été octroyés par la Couronne à la James Bay and Eastern Railway Company –
et en définitive, au CN –
est sans importance pour le Tribunal. Par conséquent, le CN ne détient aucun intérêt direct dans la présente revendication.
[27] De plus, je suis d’accord avec la position de CN quant à la compétence du Tribunal en ce qui concerne les droits fonciers de tiers : le Tribunal n’a pas compétence pour statuer sur de tels droits. En vertu de l’article 21 de la LTRP, lorsqu’une indemnisation est accordée par le Tribunal à l’égard d’une parcelle de terre, les rapports juridiques afférents à cette terre sont régularisés et le statu quo est préservé. Le Tribunal n’a pas compétence pour attribuer des terres à titre d’indemnisation : sa compétence se limite, en vertu de l’alinéa 20(1)a) de la LTRP, à l’octroi d’une indemnisation pécuniaire pour les revendications particulières jugées valides.
[28] Dans ses observations écrites en réplique, le CN a écrit :
Dans la mesure où le Tribunal confirme dès maintenant (i) qu’il n’a pas juridiction pour statuer sur l’étendue précise des droits fonciers de la [demanderesse] sur l’emprise ferroviaire et (ii) qu’une éventuelle décision au mérite sur la revendication particulière n’affectera pas les droits de la [demanderesse] lors d’un éventuel débat sur ce sujet devant un forum compétent, alors la [demanderesse] n’insiste pas pour se voir reconnaître le statut d’intervenante dans le présent dossier. [soulignement et caractère gras dans l’original; au para. 8]
[29] Étant donné que le Tribunal n’a pas compétence à se prononcer sur la nature des droits fonciers de CN, rien ne justifie d’entendre des observations ni d’interroger des témoins sur cette question.
[30] Enfin, accueillir la demande d’intervention causerait un préjudice aux parties, et plus particulièrement à la revendicatrice. Les questions soulevées dans la demande de CN sont superflues au regard de celles énoncées dans la déclaration de revendication. Permettre cette intervention aurait inévitablement pour effet d’élargir la portée des procédures au-delà de ce qui est actuellement en jeu. Un tel élargissement contraindrait tant la revendicatrice que l’intimé à entreprendre des recherches supplémentaires, à recueillir de nouveaux éléments de preuve et à formuler des arguments juridiques additionnels afin de répondre à la position de la demanderesse. Cette situation entraînerait des retards et pourrait occasionner des coûts additionnels importants. Elle pourrait également nécessiter le report de l’audience sur l’histoire orale, augmentant ainsi le risque que des éléments de preuve cruciaux soient perdus si des aînés de la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh, initialement prévus comme témoins, n’étaient plus en mesure de témoigner à une date ultérieure.
VI. CONCLUSION
[31] Après avoir examiné les arguments présentés par la demanderesse ainsi que ceux des parties, et pour les motifs énoncés ci-dessus, je rejette la demande d’intervention, la demanderesse n’ayant pas démontré adéquatement l’existence d’un intérêt direct dans l’instance.
[32] Compte tenu du rejet de la demande, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la demande en radiation potentielle de l’intimé.
[33] Aucuns dépens relatifs à la demande ne sont adjugés.
DANIE ROY |
L’honorable Danie Roy |
TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES
SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL
Date : 20250520
No de dossier : SCT-2001-19
OTTAWA (ONTARIO), le 20 mai 2025
En présence de l’honorable Danie Roy
ENTRE :
PREMIÈRE NATION DES PEKUAKAMIULNUASTH
Revendicatrice (défenderesse)
et
SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DU CANADA
Représentée par le ministre des Relations Couronne-Autochtones
Intimé (défendeur)
et
COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA
Demanderesse
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
AUX : |
Avocats de la revendicatrice (défenderesse) PREMIÈRE NATION DES PEKUAKAMIULNUATSH Représentée par Me Benoît Amyot et Me Léonie Boutin Cain Lamarre |
ET AUX : |
Avocates de l’intimé (défendeur) Représenté par Me Mélyne Félix, Me Kateri Vincent et Me Marie-Emmanuelle Laplante Ministère de la Justice |
ET AUX : |
Avocats de la demanderesse Représentée par Me Emil Vidrascu et Me Alexandre-Philippe Avard Dentons Canada s.e.n.c.r.l. |